A la fin de l’acte 5 de Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand nous plonge dans un dénouement sous forme de révélation. La séparation tragique de Roxane et Cyrano, avec la mort de Cyrano, est en même temps libératrice d’un secret longtemps gardé. Se sentant partir pour les cieux, Cyrano peut enfin avouer à Roxane qu’il est l’auteur de ces lettres d’amour enflammées, écrites depuis toujours sous le visage du jeune militaire, Christian. Il peut enfin être lui-même, dire qui il est, et dépasser l’image de laideur qu’il a de lui-même. Cyrano comprend que son « panache » est intérieur, qu’il réside dans sa verve amoureuse, littéraire et poétique.
De la même façon, la fin d’un coaching est en quelques sortes un dénouement authentique, qui permet au coaché de mettre en mots le véritable chemin de profondeur qu’il a vécu pendant le coaching. C’est en même temps un passage vers un nouvel ‘acte’ de vie professionnel et personnel, fertilisé par le coaching.

Ce qui se joue dans la dernière séance revêt plusieurs dimensions.
Il s’agit tout d’abord pour le coaché de nommer ses enseignements, dans ce chemin initiatique : perception nouvelle de soi en tant que leader, meilleure conscience de sa place dans le système, prise de distance bénéfique, retour au sens de son action… Et aussi pour lui de finir de se révéler les chemins profonds qu’il a traversés, en lien avec sa demande latente, ses besoins psychologiques et sa dynamique du désir : se reconnaitre soi-même, réparer une blessure d’estime, être davantage soi-même dans son lien aux autres, être auteur dans sa vie professionnelle…

C’est aussi un moment de séparation, sans la dimension tragique de Cyrano, mais qui peut toutefois être vécu de façon intense par les deux protagonistes, en fonction de leur attachement mutuel à travers les processus transférentiels et réels, de la durée du travail conjoint, et des sensibilités de chacun à la séparation.
Se parler de cette relation de coaching, de ce qu’elle a permis d’expérimenter pour le coaché, aide ce processus de séparation à se dérouler. Se parler de l’après coaching aussi, en faisant travailler le coaché sur ses points de confort, ses appréhensions et ses besoins, sécurise ce passage vers l’autonomie.

Car c’est d’autonomie dont il est question, comme un envol vers un supplément de maturité.

Eric Berne, père de l’Analyse Transactionnelle, définit cette notion d’autonomie par sa manifestation sous la forme de « l’expression ou la reconquête de trois capacités :
– la Conscience claire,
– la Spontanéité,
– l’Intimité. »

Un coaching qui fonctionne, quel que soit son sujet, fait en effet progresser la personne sur ces trois chemins de forêt qui mènent un peu plus à soi-même. Parvenu à cette clairière, le coaché se trouve :
– davantage conscient de lui-même, de ses besoins, de ses émotions, et des stimuli émis par son environnement ;
– plus libre de penser, agir et dire ce qu’il pense, ressent, souhaite, pour s’adapter aux situations ;
en mesure de vivre certains moments authentiques avec autrui au travail, de partager des sentiments et des besoins, quand le contexte le permet.

En fin de coaching, par la mise en mots, on cherche finalement cette méta-conscience, qui serait la conscience d’être plus conscient !

Pour favoriser cet aboutissement fertile avec le coaché, il est nécessaire que ce processus ait été préparé par le coach avant la dernière séance. Cela passe par :
– exprimer que la fin du coaching approche et permettre au coaché d’exprimer le vécu de cette période, et comment il souhaite en tirer parti,
– lui permettre de construire une représentation de cette clôture à venir (par exemple «la fin d’un contrat, pas d’une relation», « un nouveau chapitre »),
– co-construire l’espacement des séances sur la fin, en fonction du désir et des besoins du coaché, en acceptant sa prise de distance, et en tenant le cadre jusqu’au bout,
– faciliter les ancrages, en faisant s’exprimer les avancées, reliées à de nouvelles émotions et et de nouvelles représentations,
– et bien sûr revenir au contrat, et questionner le niveau de confort du coaché par rapport à ses objectifs, et les besoins restants.

Un processus de fin de coaching qui ne serait pas suffisamment mis en mots, pourrait générer une mise en acte de l’appréhension, sous forme par exemple d’une régression du coaché, qui manifesterait ainsi qu’il a encore grand besoin de son coach !

Pour le coach enfin il s’agit de garder en tête que dans cette finitude même du coaching réside l’un de ses principes actifs : fournir un cadre défini au coaché pour vivre des processus libérateurs et se mettre en mouvement.
L’enjeu sous-jacent pour l’accompagnant est d’être connecté à ses propres émotions reliées à cette phase, et de se préparer à vivre ce moment de clôture avec le coaché, qui se traverse souvent avec un sentiment partagé de satisfaction et d’accomplissement.

 

Rédigé par Violaine ISAAC
Coach exécutif, enseignante aux cycles Analyse Transactionnelle et Coach Professionnel

 

Illustration de Wikipédia : Coquelin aîné lors de la première de Cyrano (L’Illustration du 8 janvier 1898)
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